Accusé de l’assassinat du premier secrétaire de l’ambassade de Jordanie au Liban dans les années 90, un meurtre dont il n’était pas coupable, Youssef Chaaban, gracié le lundi 13 juillet par le président Michel Sleiman, est devenu un symbole pour de nombreuses familles de détenus palestiniens dont un père, un frère ou un cousin croupissent toujours en prison sans jugement.
Le 19 octobre 1994, Chaaban était condamné à la prison à perpétuité par la Cour de Justice. Huit ans plus tard, deux personnes accusées du même crime étaient arrêtées et condamnées en Jordanie. «La Cour de Justice a refusé de réviser le procès, le jugement jordanien émanant d’une cour étrangère», explique Chaaban.
D’autres réfugiés palestiniens n’ont pas la même chance, et les familles des détenus sont nombreuses à faire la queue devant les murs de la prison de Roumié. L’établissement pénitencier, qui n’a qu’une capacité de 1400 places, abrite près de 4000 prisonniers. Adnan Kadi, un Palestinien du camp tripolitain de Beddawi, s’y rend deux à trois fois par semaine. Son frère Jihad y est détenu dans le bâtiment réservé aux membres de Fateh al-islam, la nébuleuse terroriste ayant combattu l’Armée libanaise en 2007, dans le camp de Nahr al-Bared. «Mon frère a été arrêté depuis près de quatre mois. Il est accusé, près deux ans après les événements, d’être venu en aide à des blessés du groupuscule terroriste», signale-t-il.
Pour faire le voyage jusqu’à Roumié, Adnan dépense près de 100 dollars, une fortune dans un pays où le salaire minimum est de 300 dollars. «Dieu est grand; j’ai pu me permettre cette dépense jusqu’à présent. Ce n’est cependant pas le cas pour les autres familles de prisonniers», raconte-t-il.
Manque de suivi judiciaire
Kassem Hage Ahmed a été libéré sous caution depuis près d’un mois. Cet adolescent de 17 ans a vécu près de deux ans à Roumié. «Il a été libéré en raison de son mauvais état de santé; il avait été blessé, ayant été bloqué dans le camp lors des combats. Par la suite, il a également été torturé lors des interrogatoires», déclare son père le Dr Loutfi, membre du Comité des familles des prisonniers de Nahr al-Bared. «Près d’une trentaine de réfugiés palestiniens, n’ayant jamais fait l’objet de poursuites judiciaires, sont détenus depuis la guerre de 2007», s’insurge-t-il.
Selon une source gouvernementale, le nombre de prisonniers palestiniens liés à Fateh al-islam serait de 75. «Ces individus sont détenus sur la base de l’article 108 du Code pénal qui laisse au juge la liberté des délais dans le cadre de crimes contre l’Etat», commente le docteur en droit Paul Morcos. Un délai qui, selon les règles de droit, doit cependant être raisonnable. «Dans le cas où il n’existe pas de présomptions sérieuses contre un prisonnier, l’Etat doit le libérer», explique Paul Morcos qui souligne, toutefois, la gravité des crimes liés à la guerre de Nahr al-Bared. Il ajoute que, dans de nombreux cas, cette détention arbitraire résulte d’un manque de suivi de la part des institutions judicaires. La source gouvernementale, elle, souligne la dépendance des délais de détention, de l’investigation en cours.
Mais pour les prisonniers palestiniens, la détention arbitraire, partagée par d’autres détenus de diverses nationalités, n’est pas le seul fardeau à porter, la torture étant une pratique courante. «Il y a très certainement une discrimination à l’encontre des Palestiniens; il faut cependant apprendre à allier la raison d’Etat aux droits de l’Homme», répond Morcos. Pour la source gouvernementale, il n’y a pas discrimination, puisque le traitement des prisonniers et l’application de l’article 108 sont les mêmes, quelle que soit leur nationalité.
Mais dans un pays où la politique gangrène la raison d’Etat, les détenus étrangers n’ont pas voix au chapitre, à moins de jouir d’une couverture politique. Mona Alami ( Magazine, publié le 24 -7- 2009)
Wednesday, September 2, 2009
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