Le mardi 18 août, un islamiste s’évade de la prison de Roumié. Vingt-quatre heures de cavale que Magazine retrace à la minute près, grâce au témoignage d’un officier d’un corps d’élite, qui a participé à la capture du fuyard.
Il est 5h30, le mardi 18 août. Le portable, posé sur la table de nuit, sonne bruyamment en égrenant les paroles d’une vieille chanson orientale. Au bout du fil, un soldat de la base de commandement de l’armée annonce aux gradés des forces spéciales: «Une évasion des membres de Fateh al-islam vient de se produire à la prison de Roumié».
Roumié, 30 minutes plus tard. Au nord-est de la capitale, le soleil se lève au-dessus des montagnes sans parvenir à adoucir la silhouette lugubre de la prison abritant près de 4000 détenus.
Huit prisonniers ont tenté de s’échapper de Roumié à 5h15 du matin. Sept d’entre eux étaient des membres de la nébuleuse de Fateh al-islam, dont un militant important.
Un membre du Fateh-Intifada
«L’évadé, Taha Ahmad Hajji Sleiman, le seul des huit à avoir réussi à franchir le mur haut de 13 mètres du centre de détention, était, contrairement aux rapports de presse, un islamiste syro-palestinien appartenant au groupe palestinien de Fateh-Intifada», assure un officier des forces d’élite, sous couvert d’anonymat. Fateh-Intifada est une organisation palestinienne radicale pro-syrienne, basée à Damas.
L’islamiste, arrêté le 24 novembre 2006, était accusé d’avoir participé à la planification d’attaques visant à la déstabilisation de la situation au Liban-Sud en violation à la résolution 1701, adoptée par l’Onu en août 2006. En décembre 2006, des roquettes de type Katioucha avaient été lancées à partir du Sud en direction d’Israël. L’attaque était revendiquée par Abou Mossaab al-Zarqawi, le responsable d’al-Qaïda en Irak, tué, depuis, par l’armée américaine.
Pour les soldats des forces spéciales libanaises, chargés de la chasse à l’homme, la capture de l’évadé est une question de première importance. «La plupart d’entre nous avons reçu, le jour même, les appels angoissés des familles de soldats ayant perdu la vie dans la guerre de Nahr al-Bared. Ils s’inquiétaient; cette évasion leur rappelait de bien mauvais souvenirs», raconte l’officier.
En effet, en 2007, plus de 170 officiers et soldats libanais avaient trouvé la mort lors de violents combats ayant opposé l’armée à la mouvance terroriste de Fateh al-islam dans le camp palestinien de Nahr al-Bared.
Draps noués
Dès que l’alerte est donnée, près de 250 hommes escaladent les collines environnant la maison carcérale, à la recherche de Taha Hajji Sleiman. «Nous avions pourtant averti les responsables de la prison de la possibilité d’une telle évasion, selon des renseignements communiqués par l’un de nos indicateurs, quatre jours avant l’incident», signale la source.
Les prisonniers avaient soigneusement préparé leur coup. Une scie avait été introduite dans un Coran envoyé par des proches. «Elle leur a permis de scier, durant trois jours, les barreaux de leur fenêtre, tout en les gardant légèrement attachés grâce à une sorte de pâte, afin de tromper la vigilance des gardes qui se préoccupent surtout de faire le compte des détenus à la fin de la journée, sans vraiment surveiller leurs activités», commente la source.
Le mardi, à l’aube, les huit prisonniers s’échappent, d’abord, de leur cellule, située au troisième étage, en nouant bout à bout des draps attachés à une sorte de crochet en fer. «Ils lancent, par la suite, la tige en fer reliée aux draps, par-dessus le mur extérieur, ce qui permet à Hajji Sleiman d’escalader en premier l’enceinte et de rejoindre les bois», explique la source. Son comparse, qui n’est pas aussi chanceux, se blesse dans sa chute, lorsque les draps, cédant sous son poids, se déchirent, coupant ainsi court à l’escapade des sept autres prisonniers.
Les cris de douleur du détenu ameutent les gardes qui s’aperçoivent de la fuite de Hajji Sleiman et préviennent le commandement central.
Une fois arrivées, les Forces de sécurité intérieure (FSI) et l’armée ratissent les bois environnant la prison de Roumié. «C’est un terrain que les soldats des corps d’élite connaissent bien, ayant suivi de nombreux entraînements dans la région», se remémore l’officier qui rappelle que la principale caserne des commandos de l’armée (les maghawir) se trouvent à Roumié.
Les FSI se chargent des routes, et l’armée des bois. «Les soldats ont tendu des embuscades dans la forêt, où ils ont également dormi, afin de tenter d’entraver les déplacements du fuyard», précise la source. Ce dernier aurait, semble-t-il, passé la nuit perché dans les arbres, afin d’échapper aux soldats lancés à sa poursuite.
Les forces de l’ordre tentent de retracer les pas de l’évadé en ayant recours à des chiens policiers, mais en vain. Hajji Sleiman, tout comme les autres prisonniers, avait rempli ses chaussures de sachets d’épices, afin de tromper l’odorat des chiens, lancés à ses trousses. «Il s’était également muni de dattes, lui permettant de survivre à son séjour dans les bois», ajoute la source.
En fin de journée, le malaise règne au sein de la troupe, après une rumeur selon laquelle l’évadé aurait été aperçu dans l’un des camps palestiniens.
L’angoisse ne dure, cependant, pas longtemps. Le lendemain matin, le conducteur d’une camionnette informe une patrouille avoir aperçu un homme, vêtu de noir, traverser la route en courant, dans la région de Bsalim, à une distance de sept kilomètres de la prison.
Les unités de l’armée se dirigent vers l’emplacement indiqué par le conducteur et procèdent à une fouille minutieuse des bois. «Nous avons soudain entendu un éternuement provenant des arbrisseaux en contrebas de la route», se remémore l’officier. Hajji Sleiman, qui se cachait dans un fourré, est alors capturé par les soldats. Prétendant être un travailleur syrien, il cède, par la suite, aux pressions et avoue son identité réelle.
Pour les forces spéciales, c’est le soulagement. Le souvenir de Nahr al-Bared s’estompe à la vue des remparts de la prison de Roumié qui se profilent à l’horizon. ( Publié dans Magazine)
Il est 5h30, le mardi 18 août. Le portable, posé sur la table de nuit, sonne bruyamment en égrenant les paroles d’une vieille chanson orientale. Au bout du fil, un soldat de la base de commandement de l’armée annonce aux gradés des forces spéciales: «Une évasion des membres de Fateh al-islam vient de se produire à la prison de Roumié».
Roumié, 30 minutes plus tard. Au nord-est de la capitale, le soleil se lève au-dessus des montagnes sans parvenir à adoucir la silhouette lugubre de la prison abritant près de 4000 détenus.
Huit prisonniers ont tenté de s’échapper de Roumié à 5h15 du matin. Sept d’entre eux étaient des membres de la nébuleuse de Fateh al-islam, dont un militant important.
Un membre du Fateh-Intifada
«L’évadé, Taha Ahmad Hajji Sleiman, le seul des huit à avoir réussi à franchir le mur haut de 13 mètres du centre de détention, était, contrairement aux rapports de presse, un islamiste syro-palestinien appartenant au groupe palestinien de Fateh-Intifada», assure un officier des forces d’élite, sous couvert d’anonymat. Fateh-Intifada est une organisation palestinienne radicale pro-syrienne, basée à Damas.
L’islamiste, arrêté le 24 novembre 2006, était accusé d’avoir participé à la planification d’attaques visant à la déstabilisation de la situation au Liban-Sud en violation à la résolution 1701, adoptée par l’Onu en août 2006. En décembre 2006, des roquettes de type Katioucha avaient été lancées à partir du Sud en direction d’Israël. L’attaque était revendiquée par Abou Mossaab al-Zarqawi, le responsable d’al-Qaïda en Irak, tué, depuis, par l’armée américaine.
Pour les soldats des forces spéciales libanaises, chargés de la chasse à l’homme, la capture de l’évadé est une question de première importance. «La plupart d’entre nous avons reçu, le jour même, les appels angoissés des familles de soldats ayant perdu la vie dans la guerre de Nahr al-Bared. Ils s’inquiétaient; cette évasion leur rappelait de bien mauvais souvenirs», raconte l’officier.
En effet, en 2007, plus de 170 officiers et soldats libanais avaient trouvé la mort lors de violents combats ayant opposé l’armée à la mouvance terroriste de Fateh al-islam dans le camp palestinien de Nahr al-Bared.
Draps noués
Dès que l’alerte est donnée, près de 250 hommes escaladent les collines environnant la maison carcérale, à la recherche de Taha Hajji Sleiman. «Nous avions pourtant averti les responsables de la prison de la possibilité d’une telle évasion, selon des renseignements communiqués par l’un de nos indicateurs, quatre jours avant l’incident», signale la source.
Les prisonniers avaient soigneusement préparé leur coup. Une scie avait été introduite dans un Coran envoyé par des proches. «Elle leur a permis de scier, durant trois jours, les barreaux de leur fenêtre, tout en les gardant légèrement attachés grâce à une sorte de pâte, afin de tromper la vigilance des gardes qui se préoccupent surtout de faire le compte des détenus à la fin de la journée, sans vraiment surveiller leurs activités», commente la source.
Le mardi, à l’aube, les huit prisonniers s’échappent, d’abord, de leur cellule, située au troisième étage, en nouant bout à bout des draps attachés à une sorte de crochet en fer. «Ils lancent, par la suite, la tige en fer reliée aux draps, par-dessus le mur extérieur, ce qui permet à Hajji Sleiman d’escalader en premier l’enceinte et de rejoindre les bois», explique la source. Son comparse, qui n’est pas aussi chanceux, se blesse dans sa chute, lorsque les draps, cédant sous son poids, se déchirent, coupant ainsi court à l’escapade des sept autres prisonniers.
Les cris de douleur du détenu ameutent les gardes qui s’aperçoivent de la fuite de Hajji Sleiman et préviennent le commandement central.
Une fois arrivées, les Forces de sécurité intérieure (FSI) et l’armée ratissent les bois environnant la prison de Roumié. «C’est un terrain que les soldats des corps d’élite connaissent bien, ayant suivi de nombreux entraînements dans la région», se remémore l’officier qui rappelle que la principale caserne des commandos de l’armée (les maghawir) se trouvent à Roumié.
Les FSI se chargent des routes, et l’armée des bois. «Les soldats ont tendu des embuscades dans la forêt, où ils ont également dormi, afin de tenter d’entraver les déplacements du fuyard», précise la source. Ce dernier aurait, semble-t-il, passé la nuit perché dans les arbres, afin d’échapper aux soldats lancés à sa poursuite.
Les forces de l’ordre tentent de retracer les pas de l’évadé en ayant recours à des chiens policiers, mais en vain. Hajji Sleiman, tout comme les autres prisonniers, avait rempli ses chaussures de sachets d’épices, afin de tromper l’odorat des chiens, lancés à ses trousses. «Il s’était également muni de dattes, lui permettant de survivre à son séjour dans les bois», ajoute la source.
En fin de journée, le malaise règne au sein de la troupe, après une rumeur selon laquelle l’évadé aurait été aperçu dans l’un des camps palestiniens.
L’angoisse ne dure, cependant, pas longtemps. Le lendemain matin, le conducteur d’une camionnette informe une patrouille avoir aperçu un homme, vêtu de noir, traverser la route en courant, dans la région de Bsalim, à une distance de sept kilomètres de la prison.
Les unités de l’armée se dirigent vers l’emplacement indiqué par le conducteur et procèdent à une fouille minutieuse des bois. «Nous avons soudain entendu un éternuement provenant des arbrisseaux en contrebas de la route», se remémore l’officier. Hajji Sleiman, qui se cachait dans un fourré, est alors capturé par les soldats. Prétendant être un travailleur syrien, il cède, par la suite, aux pressions et avoue son identité réelle.
Pour les forces spéciales, c’est le soulagement. Le souvenir de Nahr al-Bared s’estompe à la vue des remparts de la prison de Roumié qui se profilent à l’horizon. ( Publié dans Magazine)
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