«Un peuple à la recherche de dignité humaine», tel est le résumé concis que fait un riche syrien de confession chrétienne, des événements en Syrie. Un discours étonnant émanant d’un membre d’une minorité restée très largement en marge des manifestations pro-démocratiques secouant le pays depuis plusieurs mois.
«L’humiliation des Syriens est quasi quotidienne, elle a lieu partout que ce soit dans les ministères, les services publics ou dans la rue où prévaut le règne des moukhabarat (services de renseignement)», explique Karim, dont le nom a été changé afin de protéger son anonymat. Ce cinquantenaire est un homme d’affaires syrien, propriétaire de plusieurs usines dans son pays.
Ouvrir un salon de coiffure, une banque ou toute autre entreprise nécessite l’accord préalable des agences de renseignement, qui se substituent peu à peu aux autres institutions de l’Etat. «Que vous ayez un désaccord avec votre voisin ou victime d’un vol, c’est aux services de renseignement que l’on s’adresse généralement. Le système s’est toutefois tellement gangréné qu’on se sait plus qui est responsable de quoi, ce qui laisse les citoyens en position de faiblesse permanente, contraints de supplier et d’essuyer les réprimandes de responsables omnipotents pour une simple formalité administrative. Le peuple en a eu assez».
Dénoncé par un proche
L’aisance de Karim ne l’a toutefois pas épargné des excès du système en place. Dans les années 2000, il est emprisonné plus de six mois durant pour avoir fait circuler une caricature se moquant des services de renseignement, acte de lèse-majesté dans un pays fondé sur l’étroit réseau de l’appareil sécuritaire.
«J’ai été incarcéré de longs mois dans une cellule de 3,25 mètres par 1,70 et cela malgré les nombreuses interventions de personnalités haut placées; je n’ai heureusement pas été torturé», reconnaît-il.
L’homme d’affaires admet avoir été dénoncé par un membre de son entourage. En Syrie, le cercle des «mouchards» ne serait pas simplement restreint aux marchands ambulants ou aux chauffeurs de taxi mais s’étendrait également à la haute société. «En effet, toute personne ayant été témoin d’une discussion ou d’un comportement jugé «délateur» risque d’être arrêtée si elle ne relaie pas l’information. La peur est un puissant motif: la dénonciation est devenue chose courante», ajoute-t-il.
Mais depuis le mois de février, l’ambiance semble avoir changé, dans une Syrie en proie à un mouvement de contestation sans précédent, souvent empreint de violence. La société syrienne se retrouve partagée entre opposition et loyalistes, les minorités alaouites, chrétiennes et druzes, s’alignant pour la plupart derrière le régime qu’ils considèrent comme seul garant de leurs droits.
«Tout comme d’autres chrétiens, je crains un conflit sectaire, mais s’il finit par avoir lieu il aura été fabriqué par le régime. Les Syriens, quelle que soit leur appartenance confessionnelle, ne sont pas de nature violente. Le rôle des chrétiens, que ce soit sous le règne des Assad ou celui des Frères musulmans, a peu de chance de changer, ils ne seront jamais présidents ou Premiers ministres», déclare Karim.
L’insécurité s’installerait aussi dans les villes syriennes telles Damas et Alep, où l’appareil de l’Etat est le plus puissant. «Les vols de commerces et de résidences privées se multiplient jusque dans le quartier cossu d’Abou Roummané (en plein centre de Damas) et nous ignorons tout de l’identité des personnes impliquées», signale-t-il.
Certains riches syriens auraient déjà commencé à mettre en sécurité leurs biens les plus précieux dans le cas où le conflit s’amplifierait. La «mentalité de bazar» dominerait également la scène syrienne: de nombreux hommes d’affaires et de marchands nantis feraient des dons anonymes aux hommes de religion soutenant «la résistance» (l’opposition syrienne), tout en soutenant « officiellement » le régime… M.A pour Magazine.
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