Thursday, January 14, 2010

Sur le prochain champ de bataille


Dans les bunkers de la Résistance

Depuis le déploiement des forces de la Finul au sud du fleuve du Litani après la guerre de 2006 avec Israël, le Hezbollah, à l’instar des fedayin palestiniens avant lui, a recentré ses efforts sur les rives nord du Litani, dans la région de Jabal Safi qui rattache le Sud- Liban à la grande plaine de la Bekaa. Visite inédite dans des bunkers de la Résistance.

Une carrière abandonnée émerge de l’étroite vallée, protégeant des regards une plaine verdoyante, appelée familièrement par les habitants du village limitrophe de Arab Salim «el-sahel el-akhdar». A l’entrée de la carrière, une tasse de thé est posée sur la table en plastique, abandonnée sans doute par un gardien qui se fait invisible.
Une rivière desséchée traverse le petit ravin qui git en contrebas de la carrière. Une vielle habitation en pierre jaune se dessine entre les buissons touffus; elle abrite un ancien moulin relié au lit de la rivière par une conduite en pierre vétuste. C’est dans cette vallée au paysage presque idyllique, si ce n’était pour les restes de pancartes déchiquetées indiquant la présence de mines, que certaines rumeurs font état d’un possible établissement du Hezbollah dans les anciennes positions de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP).
Partout le silence règne en maître absolu, rompu de temps à autres par un ronronnement continu provenant du ciel, où les drones israéliens s’activent en permanence, photographiant cette région d’une importance névralgique pour Tel-Aviv. Des cadavres d’animaux gisent à terre, déchiquetés, peut-être par l’explosion de mines. Dans l’habitation abandonnée, un drapeau palestinien a été peint sur les murs jaunis, ses couleurs délavées par le temps attestant du passage de l’OLP dans la région, mais nulle trace du Hezbollah.
«C’est plus haut, plus au nord du Wadi (étroite vallée) que les Palestiniens avaient construit leurs bunkers dans la montagne», indique Kassem Nazr, un fermier de Arab Salim qui cultive des terrains dans le secteur tout en pointant la main en direction d’un ravin qui se prolonge à la droite de la carrière.

Inter-La montagne creusée
Le fermier indique l’entrée d’un bunker creusé par les fedayin de l’OLP, ces soldats palestiniens à qui l’accord du Caire avait accordé le droit de combattre Israël depuis le sol libanais, jusqu’à l’invasion israélienne en 1982.
«C’est d’ici que les Palestiniens combattaient Israël, dans les années soixante-dix», s’exclame Kassem Nazr. Dans l’étroite vallée, quatre bunkers semblent transpercer horizontalement la montagne. «Ils avaient entre 10 et 15 mètres de profondeur et étaient équipés de lits et alimentés en eau courante», raconte Nazr. «Les fedayin trouaient la roche en y plaçant des bâtons de dynamite, afin de creuser la montagne», se souvient-il. Au dessus d’une large grotte artificielle, dont l’entrée est à quelques mètres de profondeur bloquée par un éboulis, de petits trous sombres ponctuent la roche blanche.
«Les soldats israéliens ont détruit la plupart de ces bunkers lors des invasions successives du Liban afin d’éviter leur éventuelle utilisation par la Résistance», insiste M. Nazr. L’une après l’autre, les entrées menant aux tunnels ont été soigneusement dynamitées, à l’exception d’une seule grotte qui semble avoir échappé au regard des soldats israéliens. Son ouverture béante, masquée par d’énormes buissons, laisse son usage par le Hezbollah peu probable.
C’est plus haut dans le Mont Safi aux environs du Mont Soujoud, du prophète du même nom, que le Hezbollah a décidé de se retrancher après le déploiement de la Finul aux frontières avec Israël, à la fin de la guerre de juillet.
Des chabab, les militants du Hezbollah revêtus d’habits sombres, la barbe bien taillée, sillonnent les villages en motocyclette, en surveillant les déplacements d’étrangers à la région. Des routes nouvellement asphaltées serpentent la montagne, traçant des zigzags ne menant semblerait-il nul part, se terminant parfois dans des bois sombres…
C’est sur ce terrain abrupt que se dessine le nouveau front de la guerre avec Israël. «Le terrain est plus rude au nord du fleuve du Litani, entre les villages de Nabatié et de Jezzine en remontant jusqu’au village de Niha, ce qui avantage le Hezbollah d’un point de vue militaire. En effet ce secteur peut être difficilement atteint par avion ou par tank», explique le professeur et ancien général Amine Hoteit, spécialiste en stratégie militaire.

Une armée invisible
Toute guerre, estime le professeur, dépend de plusieurs éléments tels que la capacité des protagonistes, la durée du conflit et la topographie du terrain. Et dans cette région, la topographie imposerait de nombreuses contraintes aux troupes israéliennes, dans l’éventualité d’un conflit, forçant ainsi les soldats à se déplacer par voie de terre ou par hélicoptère, les rendant ainsi plus vulnérables aux attaques des combattants du Hezbollah, qui eux, ont une connaissance profonde des étroits Wadis. De plus, la dépendance de l’armée israélienne aux hélicoptères, conjuguée à la capacité accrue du Hezbollah qui se serait équipé en missiles sol-air, donnent libre cours à tous les scénarios.
En prévision d’une nouvelle guerre, les combattants du Hezbollah ont creusé de profonds tunnels, tout comme les Palestiniens avant eux, leur permettant de se fondre dans la nature telle une armée invisible.
Mais c’est une fois de plus sur ce terrain situé au nord du Litani qu’Israël va sans doute s’embourber dans le cas où ses troupes seraient forcées à pratiquer une offensive terrestre, insiste le professeur. «Le nord du Litani présente un autre avantage aux yeux du Hezbollah, puisqu’il lui assure, en raison de sa proximité de la capitale et de la Bekaa, un ravitaillement plus facile», explique-t-il.
L’analyste Amal Saad Ghorayeb, elle, ne croit pas qu’une éventuelle guerre se limitera au secteur nord du Litani. «Croyez-vous vraiment que la guerre puisse avoir lieu uniquement dans cette région? A mon avis, ce sera une guerre plus globale durant laquelle la Finul se retirera de ses positions actuelles», soutient-elle.
Contrairement aux autres guerres entre le Liban et Israël, le prochain conflit «sera une guerre éclair d’une violence extrême», analyse le professeur Hoteit. Le spécialiste explique qu’Israël choisira sans doute une approche rapide au conflit afin de court-circuiter la levée de boucliers de la communauté internationale que susciterait une telle guerre aux conséquences humaines désastreuses. «La doctrine de Dahié, qui serait sans doute adoptée par les Israéliens, laisse également envisager un conflit court et particulièrement violent», ajoute-t-il. Saad Ghorayeb croit en une coordination entre le Hamas et le Hezbollah, lors d’une éventuelle guerre, une thèse également soutenue par le professeur Hoteit. «L’ouverture de deux fronts affaiblirait certainement Israël», commente-t-il. «De plus Hezbollah a promis une infiltration d’Israël par les membres du Hezbollah, dans son récent discours», ajoute Saad Ghorayeb. Mona Alami pour Magazine

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